Responsabilité entre les entreprises d’intérim et les entreprises « utilisatrices » en cas de fautes partagées

Cass., 2ème civ, 31 mars 2016 (n° 15-15.898)

Les entreprises, et notamment les entreprises du bâtiment, ont fréquemment recours à des salariés intérimaires pour des missions bien définies et / ou de courte durée. Un contrat est signé entre l’entreprise utilisatrice et la société intérimaire.

Dans un tel cas, l’employeur du salarié intérimaire reste la société d’intérim car il s’agit bien d’une mise à disposition. Toutefois l’entreprise qualifiée « d’utilisatrice », c’est-à-dire l’entreprise dans laquelle le salarié va effectuer une mission, est responsable de ses conditions de travail et doit ainsi s’assurer du respect des règles de sécurité, qui sont spécifiques à chaque mission.

Dans une telle situation, que l’on peut raisonnablement qualifier de triangulaire, des questions de responsabilité se posent, notamment en cas d’accident du travail.

Le Code de la sécurité sociale prévoit une règle qui semble claire (article R. 242-6-1) : l’entreprise d’intérim supporte la totalité du coût de l’accident du travail. Or il y a une exception dans le cas d’accidents graves (incapacité permanente supérieure ou égale à 10%) ou mortels : dans ce cas, l’entreprise utilisatrice partage le coût à raison d’un tiers.

Cette solution semble justifiée, d’un point de vue juridique d’une part car l’entreprise de travail temporaire reste l’employeur « officiel » du travailleur, mais c’est également une solution juste car cette dernière a souvent une meilleure assise financière.

L’arrêt Sté Manpower France c/ J., rendu par la Cour de Cassation le 31 mars 2016 vient ajouter un élément nouveau, modifiant cette répartition de responsabilité.

En l’espèce, la célèbre société d’intérim Manpower France avait mis à disposition d’une société de travaux publics un de ses salariés, pour une mission de travaux assez risquée. Or, à la suite de l’effondrement des parois d’une tranchée au fond de laquelle le salarié effectuait ses tâches, ce dernier a été victime d’un accident. Il apparait que les vérifications de sécurité incombant à l’entreprise utilisatrice n’avaient pas été réalisée. De plus, aucune formation pratique en matière de sécurité n’avait été organisée préalablement à l’entrée en fonction du salarié.

Le travailleur a alors saisi une juridiction de sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, c’est-à-dire Manpower. Devant la Cour d’appel de Grenoble, cette dernière a tenté d’être déchargée de sa responsabilité en arguant que l’obligation de formation incombait à l’entreprise de travaux publics, qui seule avait connaissance des conditions concrètes de travail et des risques particuliers auxquels était exposé le travailleur intérimaire au cours de la mission.

Tout l’enjeu était ici de déterminer la responsabilité de chaque entreprise, ce qui évidemment influe sur le montant de la garantie due par chacune.

La Cour d’appel de Grenoble a rejeté l’argumentation de Manpower et a jugé que l’accident du travail est imputable aux fautes tant de l’entreprise utilisatrice que de la société d’intérim, car ni l’une ni l’autre n’ont procédé à la formation, leur responsabilité devait donc être partagée.

La Cour de Cassation, en rejetant le pourvoi formé par Manpower, a confirmé cette solution. Les deux entreprises ont été condamnées solidairement.

Ainsi, lorsque à l’origine de l’accident du travail il y a une faute qui peut être imputée aux fautes tant de l’entreprise d’intérim que de la société utilisatrice, il convient de les condamner solidairement : la responsabilité est partagée. Cette solution de la Chambre sociale vient alléger la lourde responsabilité des entreprises d’intérim. Avoir recours à une telle société n’exonère pas, dans tous les cas, la société utilisatrice de sa responsabilité en cas d’accident.

Le 12 août 2020

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