Régime fiscal des indemnités de préjudice corporel

Quel traitement fiscal des indemnités de préjudice corporel ?

Suite à un accident ou à une maladie, une transaction ou un jugement peuvent conduire au versement d’indemnités au titre d’un dommage corporel. Le choix est alors souvent laissé à la victime de percevoir son indemnité sous forme de rente ou de capital.

En fonction de ce choix, des dispositions fiscales spécifiques s’appliquent aux indemnités reçues. Le cabinet COURTOIS ROMAN, avocats à Aix-en-Provence vous éclaire.

I. Au regard de l’Impôt sur le Revenu (IR)

A. En cas de versement sous forme de capital

Les indemnités servies sous forme de capital sont exonérées d’impôt sur le revenu en vertu du caractère non récurrent du versement.

L’indemnisation d’un dommage corporel versée sous la forme d’un capital ne constitue pas un revenu. Ce type d’indemnisation n’est donc pas soumis à l‘impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux (CSG/CRDS/Prélèvement social).

Cependant, si la victime place son capital dans des produits financiers qui lui procurent des revenus, alors ces derniers seront imposés.

De même, si la victime utilise son capital pour acquérir des biens immobiliers destinés à la location ou pour un usage personnel, le fruit des locations, les impôts fonciers et taxe d’habitation devront être payés par la victime.

B. En cas de versement sous forme de rente

Il faut distinguer les rentes viagères résultant d’une condamnation judiciaire de celles résultant d’une transaction.

Les premières, servies en représentation de dommages-intérêts pour la réparation d’un préjudice corporel, présentent le caractère d’un revenu normalement passible de l’impôt sur le revenu sauf :

  1. Lorsque le préjudice a entraîné pour la victime une incapacité permanente totale l’obligeant à avoir recours à l’assistance d’une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie.
  2. Dans le cas d’une rente versée à la victime d’un accident de la circulation en exécution d’une transaction intervenue entre la victime et la compagnie d’assurance en application de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985.

Les secondes étaient, jusqu’à une décision du Conseil constitutionnel, imposables à l’IR. Depuis une décision n°2018-747 QPC du 23 novembre 2018 (que nous détaillons dans cet article), cette différence de traitement étant sans rapport avec l’objet de la loi, les rentes viagères versées en vertu d’une transaction sont exonérées d’impôt sur le revenu dès lors qu’elles visent à réparer un préjudice corporel, ayant entraîné pour la victime une incapacité permanente totale l’obligeant à avoir recours à l’assistance d’une tierce personne.

Ainsi, la non-imposition desdites rentes s’applique à toutes les affaires non jugées définitivement à la date de publication de la décision au journal officiel c’est-à-dire depuis le 24 novembre 2018.

Cependant, l’article 158-6ème du CGI précise que la victime sera imposée sur une fraction de la rente. L’imposition sera déterminée de manière forfaitaire selon l’âge de la victime au jour de l’entrée en jouissance de la rente dans les conditions qui suivent :

  • À la date du 1er versement, la fraction imposable est fixée de la manière suivante

« Les rentes viagères constituées à titre onéreux ne sont considérées comme un revenu, pour l’application de l’impôt sur le revenu dû par le crédirentier, que pour une fraction de leur montant. Cette fraction, déterminée d’après l’âge du crédirentier lors de l’entrée en jouissance de la rente, est fixée à :

  • 70 % si l’intéressé est âgé de moins de 50 ans
  • 50 % s’il est âgé de 50 à 59 ans inclus
  • 40 % s’il est âgé de 60 à 69 ans inclus
  • 30 % s’il est âgé de plus de 69 ans »

Ces dispositions ne sont pas applicables aux arrérages correspondant aux cotisations ayant fait l’objet de la déduction prévue au I de l’article 163 quatervicies.

Ces fractions ainsi calculées seront imposables dans la catégorie des « pensions et rentes » et soumises au barème progressif de l’impôt sur le revenu.

II. Au regard d’une succession

Les droits de mutation par décès atteignent tous les biens qui faisaient partie du patrimoine du défunt au jour de son décès.

A. Champ d’application de la déductibilité des indemnités versées ou dues aux victimes de maladies ou d’accidents

Selon l’article 775 bis du CGI, les rentes et indemnités versées ou encore dues au défunt en réparation de dommages corporels liés à un accident ou à une maladie sont déductibles de son actif successoral pour leur valeur nominale.

Le bénéfice de cette mesure vise toutes les sommes allouées, à titre indemnitaire, au défunt, en réparation d’un dommage corporel en raison d’un accident ou d’une maladie, quel que soit la nature du préjudice indemnisé.

Les sommes allouées aux ayants droit de la victime en réparation du préjudice moral et économique subi par eux du fait du dommage corporel causé à la victime sont également déductibles de l’actif successoral de leur propre succession, dès lors qu’elles revêtent un caractère indemnitaire.

B. Modalités d’application de la déductibilité des indemnités versées ou dues aux victimes de maladies ou d’accidents

La déduction de l’actif successoral prévue à l’article 775 bis du CGI est limitée au montant nominal de l’indemnité ou de la rente versée ou due, à l’exclusion d’une actualisation ou d’une revalorisation.

Cette déduction se matérialise par l’intégration, au passif de la succession, de la valeur des indemnités reçues pour leur montant nominal, sans revalorisation ni réactualisation.

Placer les indemnités reçues par la victime sur des supports « hors succession » peut donc s’avérer pénalisant pour les héritiers de celle-ci. Tel sera le cas par exemple, lorsque les indemnités reçues sont versées à titre de primes sur des contrats d’assurance-vie souscrits par la victime.

En effet, en vertu des dispositions de l’article L132-12 du Code des assurances, le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l’assuré.

En fonction des souhaits de transmission et de l’évolution prévisible des actifs patrimoniaux déjà détenus, orienter le placement des indemnités reçues, pour tout ou partie, vers des supports qui se trouveront dans l’actif successoral peut s’avérer plus opportun.

Exemple 1 : M. X a perçu 100.000 € d’indemnités visées à l’article 775 bis du CGI. À son décès, la succession est composée des actifs suivants : un compte bancaire pour 10.000 € et un appartement acquis avec l’indemnité perçue valant 250 000 € au décès.

Calcul de l’actif net :

Actif brut de succession :

  • Biens existant au décès : 260.000 €
  • Forfait mobilier : 5 % × (260.000 € – 100.000 €) = 8.000 €

Total : 268.000 € (260.000 + 8.000) ;

Passif de succession : valeur nominale des indemnités perçues pour 100.000 € ;

Actif net servant d’assiette aux droits de succession : 268.000 € – 100.000 € = 168.000 €

C. Conditions d’application de la déductibilité des indemnités versées ou dues aux victimes de maladies ou d’accidents

L’existence de rentes ou indemnités dont il est fait déduction de l’actif successoral doit être justifiée par tous modes de preuve compatibles avec la procédure écrite.

En général, les indemnités sont déduites de l’actif de succession sous réserve de la présentation au service de justifications permettant d’apprécier le montant des sommes versées ou dues et la qualité de l’organisme ordonnateur, c’est-à-dire la copie du jugement et la quittance du versement.

III. Au regard de l’Impôt Sur la Fortune

Suite à la suppression de l’Impôt Sur la Fortune (ISF) et à la création de l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) par l’article 31 de la loi n° 2017-1837 de finances pour 2018 du 30 décembre 2017, une question écrite a été posée à l’Assemblée Nationale et publiée au Journal officiel le 22 mai 2018, concernant l’imposition à l’IFI des personnes victimes d’un accident et handicapées.

En effet, l’article 885 K du Code général des impôts, applicable à l’ISF excluait les rentes ou les indemnités du patrimoine des personnes bénéficiaires de ces indemnités.

Lorsque la réparation est sous forme de capital, les biens acquis grâce à elle, étaient déclarés à l’ISF et le montant du capital perçu était soustrait pour une valeur actualisée de l’inflation. La doctrine administrative (Bulletin officiel des impôts : BOI-PAT-ISF-30-40-40 90) admettait de neutraliser, dans l’assiette de l’ISF, les biens acquis en remploi des sommes versées à titre d’indemnité.

Or ces dispositions ne se retrouvaient pas dans l’IFI, il fallait donc en déduire qu’aucune disposition ne permettait à un bénéficiaire de voir les biens ou droits immobiliers acquis au moyen de son indemnité exonérée. La question se posait notamment pour les personnes accidentées qui avaient investi leurs indemnités dans l’immobilier avant le 1er janvier 2018.

La réponse, publiée au journal officiel le 18 septembre 2018 a été la suivante : l’assiette de l’IFI étant limitée aux actifs immobiliers, une disposition en excluant la valeur de capitalisation des rentes ou indemnités perçues en réparation de dommages corporels liés à un accident ou à une maladie est dépourvue d’objet.

En conséquence, lorsque les biens, acquis en remploi de l’indemnité, ne sont pas des actifs immobiliers imposables à l’IFI, la situation fiscale des bénéficiaires de la règle doctrinale n’est pas modifiée. En revanche, tel n’est pas le cas des redevables de l’IFI, lorsque les biens ainsi acquis ont le caractère d’actifs immobiliers imposables à ce nouvel impôt.

Toutefois, il est admis que les redevables de l’IFI qui, avant le 1er janvier 2018, ont acquis des actifs immobiliers imposables à l’IFI, en remploi d’une indemnité perçue puissent déduire de l’actif imposable que représentent ces actifs immobiliers à l’IFI, le montant actualisé de l’indemnité perçue.

Ainsi, la provenance des sommes utilisées comme apport pour l’acquisition d’un bien immobilier est sans incidence sur la valeur nette du patrimoine taxable.

Le 12 juillet 2020

#procédure-dindemnisation

Léa BOUSQUET

Léa BOUSQUET

Avocat associé

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