L’inconstitutionnalité d’une disposition relative à l’assujettissement à l’impôt sur le revenu des rentes viagères servies en réparation d’un préjudice corporel

Décision n°2018-747 QPC du 23 novembre 2018

Le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n°2018-757 QPC du 23 novembre 2018, déclare contraire à la constitution la disposition du 9 bis de l’article 81 du Code Général des Impôts : « en vertu d’une condamnation prononcée judiciairement ».

Cette déclaration d’inconstitutionnalité prend effet à compter de la date de publication de la décision et s’applique à toute affaire non jugée définitivement à cette date. Elle met un terme à une différence de traitement entre les rentes viagères servies en réparation d’un préjudice corporel issu d’une condamnation prononcée judiciairement et celles versées en application d’une transaction.

I. L’origine de la QPC du 23 novembre 2018

Des suites d’un accident l’ayant rendu paraplégique, une victime a conclu avec la compagnie d’assurance de l’auteur de l’accident un protocole transactionnel lui allouant une rente viagère mensuelle couvrant ses besoins d’assistance pour tierce personne à compter du 1er juillet 2009.

À la suite d’une vérification comptable portant sur sa situation fiscale pour les années 2013 à 2015, les rentes que la victime avait perçues au titre de cette assistance ont été réintégrées dans sa base imposable. L’administration fiscale a considéré que l’exonération prévues à l’article 81, 9° bis du CGI ne pouvait pas s’appliquer et que les rentes étaient comprises dans l’assiette de l’impôt sur le revenu en vertu de l’article 79 du CGI.

À la suite du rejet du recours administratif relatif à son recouvrement, le requérant a saisi le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et a soulevé une QPC portant sur le 9° bis de l’article 81 du CGI. Cette QPC a été transmise au Conseil d’Etat qui l’a renvoyé au Conseil Constitutionnel en posant la « question de savoir si elles [les dispositions du 9° bis] portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment aux principes d’égalité devant la loi et d’égalité devant les charges publiques ».

II. Les dispositions contestées par le requérant

Les rentes viagères sont une catégorie de revenus prise en compte dans l’assiette de l’impôt sur le revenu. En effet, toutes les rentes viagères, quelques soit leur forme ou origine, entrent dans le cadre de l’article 79 du CGI qui prévoit l’imposition des traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères.

Des exonérations sont prévues pour certaines rentes viagères aux articles 81 et 158 du CGI. Ainsi, en vertu du 9 bis de l’article 81 sont exonérées les rentes viagères versées en exécution d’une condamnation judiciaire pour réparer « le préjudice corporel ayant entraîné pour la victime une incapacité permanente totale l’obligeant à avoir recours à l’assistance d’une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie ».

L’administration fiscale comprend dans le bénéfice de l’exonération les rentes viagères versées aux victimes d’un accident de la circulation en exécution d’une condamnation prononcée par un juge.

III. L’examen de constitutionnalité

Le requérant conteste la disposition 9° bis de l’article 81 du CGI qui exonère d’impôt sur le revenu uniquement les rentes viagères versées en vue de réparer un dommage corporel ayant entrainé pour la victime d’un accident une incapacité permanente totale, en vertu d’une condamnation judiciaire.

Les rentes viagères versées en application d’une transaction sont exclues de cette disposition. Selon le requérant, il en résulte une méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques.

Le Conseil Constitutionnel a jugé que la QPC portait sur les mots de l’article 9° bis de l’article 81 du CGI : « en vertu d’une condamnation prononcée judiciairement ». Il a ainsi recherché si une justification de cette différence de traitement existait.

Les pouvoirs publics encourageant la transaction comme mode de règlement des litiges et aucun travaux parlementaire ou argument ne permettant d’identifier une raison expliquant cette différence de traitement, le Conseil Constitutionnel a considéré que « la différence de traitement est sans rapport avec l’objet de la loi, qui est de faire bénéficier d’un régime fiscal favorable les personnes percevant une rente viagère en réparation du préjudice né d’une incapacité permanente totale ».

Cette décision peut être rapprochée de la décision n°2013-340 QPC du 20 septembre 2013, le Conseil Constitutionnel a jugé que des dispositions légales exonérant d’imposition sur le revenu certaines indemnités de rupture du contrat de travail, au regard du principe d’égalité des charges publiques étaient constitutionnelles.

Dans cette décision de 2013, le Conseil Constitutionnel a effectué la réserve suivante : « que ces dispositions ne sauraient, sans instituer une différence de traitement sans rapport avec l’objet de la loi, conduire à ce que le bénéfice de ces exonérations varie selon que l’indemnité à été allouée en vertu d’un jugement, d’une sentence arbitrale ou d’une transaction ».

Le 28 août 2020

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